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Les Thakalis

Ils sont, d'après le recensement de 2011, 12 973, soit 0,06% de la population du Nepal. Les Thakalis forment l’ethnie la plus connue au Népal pour ses qualités gastronomiques et d’hospitalité. Trois groupes distincts composent cette ethnie.

Nous nous concentrerons sur les ‘’Sat Say Thakali’’ (700 Thakalis) parce que plus nombreux, mieux étudiés et davantage reconnus que les ‘’Panchgaonle’’ (5 villageois) et que les ‘’Baragaonle’’ (12 villageois). Ces deux derniers groupes, tous deux parlant un dialecte du tibétain, semblent être arrivés au Mustang ultérieurement.

Leurs origines

Une partie des Thakalis affirme descendre des Thakuris de Sinja (district de Mugu, Extrême Ouest du Népal). Or, ils parlent le Tan (ou Tamanang ou Tamhang), langue originelle de la région Thak, ce qui prouve qu’ils ont soit abandonné leur langue Sinjali en arrivant afin de s’intégrer, soit qu’ils sont les habitants indigènes prétendant seulement être d’origine hindoue. De plus, leur physique est mongoloïde et la langue Tan fait partie des langues tibéto-birmanes.

Cette « supercherie » peut s’expliquer par le rôle de percepteurs jadi joué par les Thakalis des taxes sur le passage des marchandises circulant dans l’actuelle Kali Gandaki entre le Tibet et l’Inde. Ce rôle de percepteur l’était au nom du pouvoir central alors sous le contrôle de la dynastie Shah, hindous de haute caste. Les Thakali obtinrent par ce biais un statut particulier aux yeux du pouvoir régnant, comparé aux autres ethnies mongoloïdes.

- Une des légendes raconte que leur ancêtre, le roi Hansa de Sinja (près de Jumla) se maria avec la reine Nyima de Thini (sûrement une Tan), et reçut des terres près de la Thak Khola comme dote. Il a dû y avoir jadis 700 familles (comme le suggère leur nom de « Sat Sé Thakali »), dont les descendants sont aujourd’hui regroupés au sein de 13 villages et fédérés en un conseil supérieur.

- Une autre légende raconte l’arrivée de 4 frères Chan (une hindouisation de Chen? ‘’grand’’ en tibétain) par le Dhampus La (Ouest de Marpha) et qui auraient fondé les 4 clans qui forment aujourd’hui la société Thakali. Ils gardèrent Chan, peut-être afin de garder une trace de leurs supposées origines.

Étymologie du nom Thakali

Les origines du nom Thakali viennent de la Thak Khola, actuellement connue sous le nom de Kali Gandaki. Les premiers habitants se nommaient les Tan (ou Thatan) et leur région Tha ou Thak. La découverte de pots à Chokho Pani prouve l’existence d’un peuple dans cette région il y a 3 000ans.

Répartition géographique des Thakalis

Ils vivent, de moins en moins, au Bas Mustang (2 478 recensés dans la vallée de la Kali Gandaki entre Tatopani au Sud, et Jomsom au Nord), mais sont présents dans à peu près tout le pays pour des raisons commerciales.

En effet, ils ont acquis une réputation de cuisiniers et d’hôteliers hors pairs au cours des siècles. Réputation qui, de par leur emplacement sur une route commerciale, s’étendit bien au delà des frontières népalaises, jusqu’en Inde et en Chine.

Il n’est donc pas rare de croiser un « Thakali Hotel» dans un des lointains districts du Terai ou même des collines. Mais ‘’tout ce qui brille n’est pas d’or’’ et les tenanciers de ces auberges ne sont pas toujours Thakali …

Analyse et répartition linguistique

La langue principale qui est appelée Thakali, Thaksya, ou Thapaang, fait partie du groupe de langues tibéto-birmanes. Les dialectes principaux sont parlés à Tukuche considéré comme le centre culturel de l’ethnie, à Marpha et à Syang, Thini et Chimang.

Au Mustang, 80% des Thakali parlent leur langue, alors que dans les districts de migration, ils ne sont plus que 13%. Ce faible niveau de rétention linguistique pourrait s’expliquer par une volonté de « dé-tibétisation » affichée par une partie de cette population.

On estime à +/- 8 000 la population parlant la langue Thakali au Népal, soit 0.04% de la population nationale. Ils se nomment dans leur langue Tamhang et, bien avant les Gurungs et Tamangs, auraient quitté la famille des langues tibétaines, vers 300-400 av JC.

Célébration des grandes étapes de la vie

- Naissance :

3 jours de pollution, après quoi le Lama, le Jhankri ou le Brâhmane, vient purifier mère et enfant, souillés par le sang de la naissance.

- Pasni :

Au 5ème mois après la naissance: 1er riz donné par les parents à l’aide du bec d’un oiseau mythique, le Bhadrai (car il parle le langage de tous les oiseaux). L’enfant est porté dans le village et auprès de tous les temples.
Une arme, un objet en or et un stylo sont placés face à l’enfant. Selon ce qu’il choisit, il sera brave et valeureux, riche et prospère, ou intelligent et sage.

- Bokor :

Entre 5 et 7 mois après la naissance, le jeune garçon se fait couper les cheveux, sauf le Tupi (mèche de cheveux sur l’arrière du crane), comme signe de bénédiction et d’affection de la part de la famille et des amis.

- Dev Kumar Jatra :

Equivalent de la remise du cordon sacré des deux hautes castes hindoues, cette cérémonie se déroule sur trois jours pendant lesquels les jeunes garçons de moins de 13 ans vont jouer les rôles des rois, princes, ministres, généraux, etc.. Nombres de prières au temple de Mahalaxmi près de la rivière Chokho Pani, d’offrandes et de purifications, accompagnées de musique religieuse et sous la surveillance de brâhmanes.

- Mariage :

L’endogamie clanique par enlèvement est répandue. Le garçon enlève sa promise alors qu’elle va chercher de l’eau ou du bois, et l’emmène chez un de ses proches (jamais chez ses parents). Après l’avoir cachée pendant 3 jours, les proches du garçon révèlent l’identité du kidnappeur et offrent alcool, galettes et légumes aux parents de la future mariée.

Les mariages étant la plupart du temps au sein du même clan (patrilatéral et matrilatéral avec un nombre de générations d’intervalle), les cadeaux une fois acceptés, les négociations commencent. Les proches du garçon vont prier pour les ancêtres de la fille et chanter les louanges des parents, ce qui représente le transfert de lignée pour la mariée.

La dote n’est remise qu’après la naissance d’un fils, ce qui scelle le mariage qui jusqu’alors pouvait être rompu facilement. Après le mariage, le fils aîné crée son propre foyer alors que c’est le cadet qui reçoit la propriété familiale.
De par leur hindouisation, une partie des Thakali ont tendance à abandonner les mariages par enlèvement au profit du mariage hindou.

- Divorce :

Le divorce doit être demandé par les deux parties, mais c’est celui qui en est l’instigateur qui devra payer un dédommagement. Une femme divorcée peut se remarier traditionnellement comme si c’était son 1er mariage.

- Funérailles :

Leurs grandes fêtes sont entre autre, Certaines de leur fêtes sont prébouddhiques, comme Dyokyapasi (similaire au “Mani Rimbu” des Sherpas), danse rituelle au Kyupar Gompa (sud de Tukuche) ayant lieu en novembre, et le festival de Lha Feva qui n’a lieu qu’une fois tous les 12 ans.

-Lha Pheva (venue des Dieux) :

Cette fête est célébrée une fois tous les 12 ans, l’année du singe, pendant le mois de Kartik (Oct-Nov). Durant 8 jours, les Kumars ou jeunes hommes vont passer une nuit près de la rivière Chokhopani, s’y baigner et y prier les 4 déités tutélaires claniques, puis continuer rituels, prières et offrandes. La mode est à appeler cela Kumba Mela, style hindou…

Structure religieuse et sociale des Thakalis

La frange de la population Thakali située la plus au Sud (Tatopani, Ghasa, Dhana) et donc la plus en contact avec les indo-aryens népalais de castes, s’est progressivement convertie à l’hindouisme, se réclamant descendant de la dynastie Sinjali de l’extrême Ouest du Népal. L’appel au shaman local, le Jhankri, est plus répandu que dans les autres sections de la société Thakali.

Une partie de la section des Thakalis vivant le plus au Nord est restée fidèle à l’ancienne religion pré bouddhique Bön (Lubrag, Thini).

Une des légendes raconte que l’origine des Thakalis remonte à l’arrivée par le Dhampus La de 4 frères Chan qui auraient fondé les 4 clans formant aujourd’hui la société Thakali:

  • Les Chyoki (Gauchan), nom déformé de Cyo Ghyu (lignée des chefs) descendants du frère aîné et souvent détenant l’autorité. L’éléphant est leur emblème et leur déité tutélaire est Langba Nurbu.
  • Les Salki (Tullachan), nom déformé de Sal Ghyu descendants du second frère. Leur emblème est le Makara et leur déité tutélaire est Chyuring Gyalmo.
  • Les Bhurki (Bhattachan), déformé de Bhurghyu le nom du 3ème frère. Leur emblème est le yak et leur déité tutélaire Hyawa Ryangjyung.
  • Les Dhimzen (Shershan), déformé de Dhimchan, le frère cadet. Leur emblème est le lion, et leur déité tutélaire Gangla Singi Karmo.

Le Dhikur :

Coopérative d’entraide entre amis ou proches d’une même famille. Chaque membre (entre 25 et 50 personnes) verse la même somme d’argent (à partir de 100 roupies) dans une caisse commune. N’importe lequel des membres pourra utiliser à sa guise la somme totale, à condition de la rembourser avant une période donnée. Le contrat est que chaque membre doit pouvoir utiliser la même somme. Chaque membre doit avoir un garant, et avoir accès à la cagnotte une fois.

Les Thakalis bouddhistes sont majoritairement liés à l'ancienne école Bouddhiste des Nyingmapas. Ils érigent des monuments votifs et propitiatoires afin d’amasser des mérites ou du "bon Karma":

    • des Chörtens, le long des chemins et au sommet des collines,
    • des Mani Dongs (murs de pierres couvertes de prières de compassion et sculptées durant les mois morts de l’hiver) à la croisée de chemins, au passage de cols, et autour des Gompas,
    • des Mani Korlos (moulins à prières mus par la force de l’eau d’un ruisseau détourné ou pas) dans les ruisseaux et petites chutes d’eau.

Les Thakalis hindouistes construisent des temples hindous, érigent des tridents shivaïtes, et acceptent les tabous liés à la pureté caste. Les rites sont conduits par le Brâhmane, les fêtes hindoues sont célébrées et certains tabous alimentaires (pas de bœuf) sont similaires à ceux des hindous de caste.

Les Thakalis Bön construisent des Gompas Bön et érigent des monuments votifs similaires à ceux des bouddhistes :

      • des Chörten, le long des chemins et au sommet des collines,
      • des Mani Dong (murs de pierres couvertes de prières de compassion et sculptées durant les mois morts de l’hiver) à la croisée de chemins, au passage de cols, et autour des Gompas,
      • des Mani Korlo (moulins à prières mus par la force de l’eau d’un ruisseau détourné ou pas) dans les ruisseaux et petites chutes d’eau.

Histoire d'une "sanskritization" ethnique

      • A la fin du XIXème siècle, Subba Harkaman Serchan, un officier Thakali percepteur des taxes sur le passage des marchandises dans la Thak Khola (Kali Gandaki), se lança dans une croisade de « sanskritization » des Thakalis. Representant la frange la plus au contact du pouvoir central hindou, il commença par tenter d’imposer un tabou sur la consommation de viande de vache, de Dzo, mais aussi de Yak. L’ostracisme dont étaient alors victimes les ethnies mongoloïdes « Bhotyas » leur interdisait l’interaction (partage de repas ou de boisson) avec et leur acceptation par les hautes castes hindoues, dominant la société népalaise. Il est probable que l’appelation de « sales mangeurs de bœuf » ait eu une influence honteuse sur les franges Thakalies vivant au Sud du Mustang, au sud de Ghasa, les plus en contact avec la société hindoue.
      • Possiblement dans la 1ere partie du XXème siècle, un jeune Thakali nommé Guptaman Serchan fut reconnu comme Tulku du Bodo Gompa de Kobang. Il ne reçût jamais les enseignements nécessaires à faire de lui un représentant ordonné de la Communauté Bouddhique, mais devint un ardent opposant à la présence de la religion Bouddhiste chez les Thakalis.

Répartition professionnelle

Les Thakalis, de par leur situation géographique profitaient jadis du commerce entre le Tibet et les basses vallées. Les moutons étaient utilisés jusqu’à la moitié du XXème siècle pour transporter le grain là où les chemins étaient impraticables pour les mules.

Les Thakalis ont conservé de cette période, leur métier d’hôtelier, et malgré leur faible nombre, on trouve des « Thakali Hôtel » dans tout le pays.

De cette période commerciale faste, ils ont aussi gardé l’aptitude à acheter-stocker-vendre au meilleur moment, et l’on trouve des Thakalis jusque dans l’embryonnaire bourse népalaise.

Une partie des Thakalis est demeurée attachée à l’agriculture et cultive maïs, millet, orge, sarrasin, patates, pois, etc … La production de pommes, d’abricots et de prunes dont ils tirent alcools (cidres et Brandy) et produits dérivés divers (pommes séchées, confitures, etc.) leur assure par ailleurs un revenu confortable.

Pour finir, la route entre Pokhara et le Haut Mustang passe aujourd’hui sur leurs terres, offrant opportunités d’export des produits finis et garantie d’un nombre de touristes croissant.

Restrictions générales, alimentaires, religieuses, etc …

Les Thakalis ne mangent pas de viande de buffle d’eau, considéré trop proche de la vache, et sacrée aux yeux du pouvoir central. De plus le buffle d’eau ne vit pas en altitude, ou nécessite d’être garder en étable, une attention importante alors que son lait n’est pas apprécié localement et qu’il n’a jamais été utilisé comme animal de bât.

Les Héros Thakali